La neutralité dans les relations internationales
Souvent considérée comme un renoncement à l’action, la neutralité est le fait pour un acteur ou un Etat de ne pas choisir entre des camps en présence. Choisie, elle consiste à rester en marge des systèmes d’alliance et des conflits. Cela permet une relative garantie de sécurité en se tenant à l’abri d’agression potentielle. L’invasion par l’Allemagne de la Belgique et du Luxembourg en 1914 relativise néanmoins cette stratégie. Elle peut être provisoire (Turquie et Espagne lors de la Seconde Guerre mondiale) ou permanente (Suisse, Suède, Autriche). Elle correspond en ce cas à un régime juridique spécifique. Elle peut être inscrite dans un texte international à l’instar des Vème et XIIIème conventions de la Haye de 1907 relatives aux droits et aux devoirs des Puissances et des personnes neutres en cas de guerre sur terre et de guerre maritime. A l’échelle nationale elle peut être inscrite dans la Constitution (Autriche depuis 1955 et Moldavie depuis 1994) ou faire l’objet d’une déclaration unilatérale (Malte depuis 1981, Costa Rica en 1986, Turkménistan en 1995). La Suisse l’est de facto depuis 1516 et officiellement depuis le traité de Vienne de 1815. La neutralité peut aussi être contrainte et on parle alors de « finlandisation ». Ce terme fait référence au « pacte d’amitié » signé entre la Finlande et l’URSS l’obligeant à s’allier avec cette dernière en cas de conflit avec l’Allemagne ou sinon à rester neutre. En contrepartie la Finlande devenait le seul pays frontalier de l’URSS à ne pas entrer dans le bloc socialiste. Il s’est plutôt agit dans les faits d’une situation de subordination. La neutralité contrainte est ainsi une forme de souveraineté limitée, telle que définie par la doctrine Brejnev qui justifie les ingérences soviétiques au nom de la défense du socialisme. D’autres formes de neutralité existent, moins institutionnalisées, à l’exemple des Etats tampons. Ces derniers se situent généralement entre deux puissances à visées impérialistes mais ne relèvent d’aucune d’elle. Ce fut par exemple le cas de la Thaïlande située entre les Indes britanniques et l’Indochine française.
Une posture inadaptée au monde contemporain ?
Résultant souvent d’une situation d’affrontement, la neutralité n’a pas disparu avec la fin des affrontements mondiaux. Ceci s’explique par les enjeux spécifiques qu’elle recouvre. C’est une façon d’être au monde et d’exister sur la scène internationale pour des Etats dont la taille et la puissance économique ne le permettent pas toujours. C’est en ce sens que la Suisse et l’Autriche ont développé la notion de la « neutralité active ». Cela signifie que loin de se replier, ces pays participent activement aux affaires du monde en facilitant les rencontres entre les parties d’un conflit, accueillent les institutions internationales et tentent ainsi de promouvoir la paix. Cela peut être considéré comme une forme de soft power, à la différence près que les Etats neutres agissent – théoriquement – de façon désintéressée. Par ailleurs, les Etats neutres disposent de forces armées défensives, ce qui relativise leur passivité et leur manque de marge de manœuvre. La neutralité constitue de plus un élément identitaire essentiel. Elle a permis à la Suisse son unité face aux dissensions liées à la Réforme au 16ème siècle mais aussi la différenciation de l’Autriche face à l’Allemagne. Ce concept permet ainsi aux pays qui l’adoptent de consolider leur construction interne en même temps que leur positionnement international. Loin d’être inadaptée, la neutralité permet ainsi de consolider l’architecture du système international.